Leçons apprises

Il est important d’élaborer un plan d’assistance complet pour les victimes

CIBLER LA POPULATION : Il importe, d’abord et avant tout, de définir qui sont les victimes lors d’un incident de victimisation de masse. À l’étape de la planification, il est important de définir à qui les services d’aide seront livrés et qui pourrait avoir besoin d’aide dans l’immédiat. En 2013, à la suite du bombardement du Marathon de Boston alors que 4 personnes ont été tuées et 280 autres blessées, le Massachusetts Organization for Victim Assistance a défini que : « Les victimes sont ces personnes qui ont soit été tuées ou qui sont physiquement blessées, leurs familles proches, ces personnes qui ont physiquement vécu l’événement ou les suites immédiates, incluant celles se trouvant dans le voisinage immédiat du bombardement, celles entourant le lieu, les spécialistes et les bénévoles qui ont apporté leur aide aux personnes blessées, celles impliquées dans l’arrestation subséquente des suspects ou, tout autre individu, qui en vertu de son unique expérience ou de ses antécédents de traumatisme serait atteint ou affecté par cet événement. »

DEMANDER FRÉQUEMMENT CE QUI EST NÉCESSAIRE : En temps de chaos, il est important de demander aux victimes, aux survivants et aux survivantes ce dont ils ont besoin et de leur demander souvent. Peu importe les demandes, autant de renseignements, de soutien physique ou émotionnel, de soutien financier ou encore, d’aide au niveau de leur travail, le fait de s’informer de leurs besoins sur une base régulière démontre un soutien continuel et une volonté d’aider. Les victimes ne répondent ni de façon linéaire ni de façon prévisible à une situation de crise. Il est possible qu’elles ne sachent pas ce dont elles ont besoin ou qu’elles ne puissent clairement demander ce dont elles ont besoin. Il est important pour les services d’aide aux victimes de se rendre disponibles afin de guider la façon d’aider ces victimes.

COMPRENDRE QUI PEUT AVOIR BESOIN DE SERVICES : En plus des blessures physiques importantes, il peut également y avoir un nombre considérable de victimes qui ont subi des traumatismes et ces blessures traumatisantes peuvent s’accentuer au fil du temps. Des hommes et des femmes des quatre coins du monde peuvent être touchés par un incident. À la suite du bombardement du Marathon de Boston en 2013, il a été estimé que près de 1 000 personnes, en plus des victimes ayant subi des blessures physiques (280), ont été touchées par l’événement. Soixante-quinze (75) pour cent des victimes dénombrées vivaient à l’extérieur de la région de Boston. Ces victimes provenaient de trente et un (31) états américains et de cinq (5) pays différents.

Il peut s’agir de membres de familles des personnes blessées, de premiers répondants, de premières répondantes et de membres des communautés situées à proximité. Tous ces gens peuvent vivent des situations de grand stress résultant d’un incident. Les victimes ne sont pas simplement les personnes tuées ou blessées dans le bombardement. En effet, les membres des familles, les intervenants et les intervenantes en situations d’urgence font également partie du groupe des victimes. Il faut demander aux victimes, aux survivants et aux survivantes ce dont ils ont besoin et leur demander à intervalles fréquents afin qu’ils puissent entreprendre le processus de rétablissement.

ÊTRE ATTENTIF ET ÊTRE ATTENTIVE À UN VASTE ÉVENTAIL DE BLESSURES : Les blessures physiques résultant d’un bombardement peuvent être importantes et sévères et inclure la perte de vies humaines ainsi que la perte de membres. Il importe de reconnaître qu’un incident peut également entraîner des blessures invisibles, dont des traumatismes cérébraux, des pertes auditives et des traumatismes émotionnels. Bien que ces blessures ne soient pas autant apparentes que les blessures physiques, elles peuvent néanmoins affecter la qualité de vie, et ce, de manière importante. Il est donc primordial d’élargir les efforts d’aide dédiés aux « personnes visiblement blessées » pour y inclure les personnes souffrant de « blessures invisibles ». Les premiers répondants et les premières répondantes ne sont pas nécessairement outillés pour répondre à toutes ces blessures sur-le-champ. Par conséquent, une coordination entre les différents services devient donc nécessaire pour assister les victimes avec les différents et nombreux besoins, de manière efficace.

ÉPREUVES ADDITIONNELLES POUVANT RÉSULTER DES BLESSURES : Les membres des familles des victimes physiquement blessées risquent d’éprouver de la fatigue émotive et de vivre des épisodes traumatisants. Il est possible que les gens doivent prendre une période de congé de travail afin de rester au chevet de leurs êtres chers hospitalisés. Certaines de ces personnes ne pourront reprendre leur travail pendant une longue période de temps étant donné qu’elles sont occupées à prendre soin de leurs proches blessés. Les travailleurs sociaux, les travailleuses sociales, les intervenants et les intervenantes qui travaillent à la défense des droits sociaux devront possiblement aider les membres des familles qui agissent comme aidants et aidantes.

COORDINATION DES SERVICES : L’intervention de plusieurs établissements et organismes, provenant autant du milieu communautaire que du palier municipal, provincial ou territorial, fédéral ainsi que du secteur privé peut être nécessaire afin de développer et d’offrir des services d’aide structurés et complets. Il arrive parfois qu’un contrat de services pour la prestation de soins d’urgence soit nécessaire pour fournir les services aux victimes. Les besoins à satisfaire peuvent inclure : des services de stabilisation de crise, des services de réadaptation/de santé au travail, des services en santé comportementale, des services de counseling et de thérapie, des services d’intervention à la défense des personnes sourdes et malentendantes, et autres.

EMPLACEMENT PHYSIQUE DU CENTRE D’ACCUEIL POUR LES SURVIVANTS ET LES SURVIVANTES / CENTRE D’AIDE POUR LES FAMILLES : Dans l’éventualité où le nombre de victimes physiquement blessées soit important, il est suggéré de situer le Centre d’accueil pour les survivants et les survivantes ou le Centre d’aide aux familles près de l’hôpital. À la suite du bombardement du Marathon de Boston en 2013, étant donné que les membres des familles ne voulaient pas laisser leurs êtres chers qui étaient hospitalisés, ils n’ont pas fréquenté le Centre d’aide aux familles. Une unité mobile pourrait s’avérer plus pratique et plus utile pour les victimes et les familles. Les services pourraient entre autres inclure une évaluation intégrale des besoins, la prise en charge et le traitement des besoins des victimes très tôt ainsi qu’un suivi continu de leurs besoins et leurs nécessités. Une évaluation formelle et intégrale permet aux fournisseurs de services d’aide d’offrir le soutien nécessaire aux victimes, aux survivants et aux survivantes, de manière efficace et appropriée.

LANCER UN SITE WEB DE RENSEIGNEMENTS DANS LES PLUS BREFS DÉLAIS : En juillet 2014, dans les jours suivants l’écrasement du vol MH17 au-dessus de l’Ukraine, le gouvernement hollandais s’est empressé de créer et de lancer le site Web d’un centre d’information et de référence très détaillé pour les familles, les proches parents, les camarades et les collègues des 196 Hollandais et Hollandaises tués. Ce site permettait aux gens touchés par cette tragédie d’obtenir des renseignements, notamment au sujet du retour des effets personnels, de la gestion de la catastrophe aérienne du vol MH17, des enjeux liés à la perte et au deuil, des renseignements pratiques, des questions de droit, des programmes d’indemnisation, de l’importance des souvenirs et des adieux. Il y avait également une section à l’intention des camarades, des familles et des collègues ainsi qu’une autre exclusivement réservée aux membres et proches parents. Il s’agit d’un excellent moyen d’informer les victimes.

VIE PRIVÉE ET CONFIDENTIALITÉ : Les établissements médicaux tels les hôpitaux peuvent être légalement tenus de protéger la confidentialité de leurs patients et de leurs patientes. Ils peuvent également refuser d’accorder l’accès à l’hôpital à d’autres autorités voulant fournir des renseignements à leurs patients et à leurs patientes. Il peut donc être très difficile pour les services d’aide aux victimes (autant gouvernementaux que communautaires) de rejoindre et d’aider ces victimes dans de tels cas. Les victimes peuvent également être trop préoccupées par le bien-être des êtres chers blessés pour consentir à communiquer leurs renseignements aux services d’aide aux victimes. Une planification préalable et des protocoles d’entente pourraient assurer que les différents programmes et services collaborent en un seul but commun, soit celui d’assister les victimes le plus efficacement possible.

CENTRALISATION DES RESSOURCES / ORGANISME DE SOUTIEN : Il peut être recommandé et souhaitable qu’un organisme assigné agisse comme le centre principal de ressources pour toutes les victimes ayant besoin d’aide et d’assistance. Cet organisme pourrait offrir des services pour orienter et assister les victimes, les survivants et les survivantes à plus long terme alors qu’ils se relèvent et doivent composer avec leur état de santé et leurs blessures. Ce même organisme devrait répondre à et s’occuper des besoins de toutes les victimes touchées par la tragédie. Il est bien moins compliqué pour les victimes, les survivants et les survivantes de faire affaire avec un seul et unique organisme pouvant respectivement les diriger vers d’autres services d’aide et les soutenir au besoin.

OUTIL DE SONDAGE EN LIGNE : Envisager élaborer un outil de sondage en ligne pour aider les victimes à repérer où les services dont elles ont besoin sont réellement situés. Ce genre d’outil peut déterminer les besoins n’ayant pas encore été satisfaits et assurer qu’ils soient abordés et traités. Des liens vers des services spécialisés existants dont des services d’aide pour soigner les traumatismes cérébraux et la perte auditive peuvent être ajoutés et partagés avec les victimes, les survivants et les survivantes par le biais de cet outil.

INTERVENANTS ET INTERVENANTES PIVOTS POUR LES VICTIMES : Considérer engager du personnel spécialisé pour aider les victimes à cheminer et avancer à travers les différents systèmes. Ces intervenants et intervenantes pivots peuvent être des fournisseurs de services d’aide aux victimes de milieux divers dont le parcours professionnel est consacré à la défense des droits. Ces derniers pourraient diriger les victimes vers les services d’aide appropriés. Une partie de leurs fonctions est de procéder à une évaluation formelle et intégrale des besoins nécessaires et de s’engager dans un processus d’expertise continu des besoins des victimes. Ces besoins peuvent être des préoccupations reliées à la santé ou encore, pourraient nécessiter des services en santé mentale, en santé comportementale, de l’aide à l’emploi ou de l’aide financière.

INDEMNISATION : Les régimes d’indemnisation doivent prendre en considération l’ensemble des répercussions touchant la personne blessée ainsi que son âge. Les blessures invisibles (perte auditive et traumatismes cérébraux) peuvent nécessiter tout autant de financement sinon plus que les blessures physiques (tels les homicides et les amputations). Il est également important de considérer les besoins de base. Les contrecoups au niveau de la santé comportementale ne constituent pas toujours la première des priorités. Avant toute autre chose, les gens ont besoin d’abri et de nourriture. Lors de plusieurs tragédies, les organismes impliqués ont constaté que les personnes ne chercheront pas de services de soutien pour régler leurs problèmes psychologiques et autres liés à la santé mentale si leurs besoins primaires ne sont pas satisfaits. Ce n’est qu’une fois que leurs nécessités de base sont réglées qu’elles pourront alors commencer à penser à résoudre les enjeux liés à leur santé mentale et toute autre blessure invisible qu’elles peuvent éprouver.

ACTIVITÉS HORS THÉRAPIE : Il peut être une très bonne idée d’offrir des activités autres que de nature thérapeutique aux victimes, aux survivants et aux survivantes dans les semaines et les mois suivants l’événement. Voici divers exemples : des forums éducatifs permettant de rencontrer leurs pairs, des conférences vidéo avec des survivants et des survivantes qui résident à l’extérieur de la région principalement touchée pour leur permettre d’échanger ensemble et d’accéder à des services, des séances de yoga pour aider à atténuer un certain stress, et autres.

CAMPAGNE MÉDIATIQUE ET DE SENSIBILISATION : Des campagnes médiatiques ainsi que des campagnes de sensibilisation peuvent être élaborées pour aider à rejoindre les victimes. Ces campagnes ont pour but d’offrir une approche psychoéducative aux personnes touchées. Elles encouragent les victimes en expliquant que leurs réactions face à la violence sont normales. Il est primordial de demander aux victimes quels sont leurs besoins et de leur offrir tout le soutien nécessaire. De plus, les victimes devront composer avec un traumatisme encore plus important si elles ne cherchent pas l’aide dont elles sont besoin.

RÉADAPTATION PROFESSIONNELLE : Les collèges et les universités de la région peuvent être utiles pour aider les victimes, les survivants et les survivantes qui sont dans l’incapacité de reprendre leur travail en raison de leurs blessures. Les institutions académiques pourraient offrir des programmes de formation ou des bourses aux survivants et aux survivantes blessés afin de leur permettre de suivre une formation ou d’apprendre un nouveau métier en vue de commencer une nouvelle carrière.

PROGRAMMES D’ÉDUCATION À L’ÉCOLE : Ces programmes peuvent être présentés dans les écoles publiques pour informer les étudiants et les étudiantes au sujet des traumatismes et leur fournir les réponses appropriées ou l’aide nécessaire. Les jeunes peuvent vivre de grands traumatismes ce qui risque d’avoir des répercussions très négatives sur leur santé au cours de leur développement.

AMÉLIORATION DE L’ACCESSIBILITÉ AU RÉSEAU COMMUNAUTAIRE : Il arrive parfois, à la suite d’un incident, que certains ministères gouvernementaux puissent optimiser le financement des programmes existants dans le but d’améliorer les infrastructures. À la suite du bombardement du Marathon de Boston, le Massachusetts Department of Public Safety s’est affairé à aider les victimes en installant des rampes d’accès, en élargissant les espaces des portes et en rendant les endroits publics plus physiquement accessibles aux personnes qui avaient été blessées.

COMMÉMORATION : Les survivants, les survivantes, les experts et les expertes d’organismes pertinents pourraient souhaiter de créer un livre commémoratif, en tant qu’exemple d’un acte de commémoration. Un tel livre commémoratif a d’ailleurs été créé à la suite de l’écrasement du vol MH17 au-dessus de l’Ukraine, afin d’honorer la mémoire des victimes, de décrire les expériences des survivants et des survivantes rencontrés ainsi que celles des spécialistes interviewés qui les ont soutenus au fil des années. Le livre était également disponible en version numérique. Un livre de souvenir semblable a également été créé à l’intention des familles éprouvées par la perte de leurs êtres chers dans le bombardement du vol d’Air India en 1985 plusieurs années plus tard, alors que les assaillants étaient jugés devant un tribunal pénal.