Défis et enjeux

Les communautés sont confrontées et doivent composer avec des défis uniques lorsque vient le temps d’intervenir à la suite de catastrophes impliquant des actes de terrorisme et des incidents de victimisation criminelle de masse. Une bonne préparation et une planification préalable pour faire face à ces enjeux permettront aux responsables chargés de la gestion des interventions en situation d’urgence ainsi qu’aux divers services d’aide aux victimes de mieux comprendre et d’adéquatement répondre aux besoins des victimes.

Intervention

L’environnement où se passe l’intervention est souvent plus complexe, intense, exigeant, chaotique et stressant que celui où une catastrophe naturelle est arrivée. Le site de l’impact est de fait une scène de crime, ce qui risque de gêner et de limiter les mouvements et déplacements des intervenants et des intervenantes. Il peut survenir de graves problèmes ainsi que des retards au niveau de l’identification de restes humains, incluant la mauvaise identification des êtres chers. Lors de l’enquête à la suite de l’attentat commis contre le vol d’Air India, quelques-uns des témoins ont d’ailleurs laissé entendre que plus d’une personne / d’une famille avait tenté de réclamer un même corps. Il en a également été de même à la suite des attaques terroristes du 11 septembre et de l’attentat à la bombe à Oklahoma City. Le problème tout à fait réel de ne pas pouvoir retrouver les êtres chers existe (les corps de la majorité des personnes décédées lors de l’attentat contre le vol d’Air India n’ont d’ailleurs jamais été retrouvés; plus de 1 000 victimes des attaques perpétrées le 11 septembre n’ont été ni retrouvées ni identifiées), en plus de la découverte et du rapatriement continuel de restes humains, de l’identification des victimes retrouvées (c’est-à-dire, de devoir obtenir l’ADN des familles), et autres.

En matière de services aux victimes lors des attaques du 11 septembre, « étant donné que ni l’envergure de la crise ni la diversité des besoins des victimes n’avaient pas été anticipées, les ressources en place ont été sérieusement mises à lourde épreuve, compromettant autant la prestation des services d’aide aux victimes que l’indemnisation appropriée. » Des conclusions semblables, à propos du manque ou de l’insuffisance des ressources existantes au moment de l’intervention à la suite d’incidents terroristes, ont également été établies dans d’autres pays. Par exemple, les intervenants et les intervenantes en services d’aide aux victimes devaient trouver un juste équilibre entre l’aide à fournir pour répondre aux besoins des victimes de l’acte terroriste et le devoir d’intervenir auprès d’autres victimes de crimes.

Expérience subjective

Les victimes se retrouvent soudainement prises au dépourvu dans des situations dangereuses alors que leur vie est en danger et il est normal qu’elles expérimentent des épisodes de terreur, de peur, d’horreur, de détresse, d’impuissance, de trahison et de violation. L’événement semble et devient incompréhensible et illogique. Quelques-unes des victimes considèrent que la catastrophe était incontrôlable et imprévisible alors que selon d’autres, l’événement aurait pu être prévenu. D’être outré, de pouvoir blâmer l’individu ou le groupe responsable, d’avoir un désir de revanche et de demander que justice soit faite, sont des réactions communes et fréquentes.

Les responsables ont déterminé, d’après des leçons apprises à la suite des attentats du 11 septembre, que les actes de victimisation criminelle de masse nécessitent des stratégies d’intervention spécialisées afin de répondre de manière satisfaisante à un ensemble complexe d’effets et de contrecoups, tout aussi nombreux que diversifiés, sur les individus. Les services d’aide aux victimes à Oklahoma City se sont dits mal préparés pour gérer la situation et intervenir étant donné l’ampleur et l’intensité des réactions traumatiques.

Impact psychologique

Les pertes humaines massives, la menace pour la vie, l’exposition à un traumatisme ainsi que des efforts de secours et de rétablissement prolongés peuvent susciter des réactions émotionnelles importantes et de longue durée. Les cas de personnes souffrant de troubles de stress post-traumatique (TSPT), de dépression, d’anxiété et de symptômes de deuil traumatique sont d’ailleurs souvent plus élevés.

Comparativement aux désastres naturels, les répercussions à la suite des catastrophes causées par l’homme peuvent être plus intenses, le rétablissement peut prendre plus de temps et, elles peuvent occasionner des effets psychologiques plus importants. En réalité, les séquelles psychologiques, comportementales et sociales, résultant d’actes de terrorisme sont susceptibles d’entraîner des conséquences plus sérieuses, de plus longue durée et beaucoup plus graves sur la santé des individus.

Visions du monde / Hypothèses et valeurs

Le reflet des opinions et les valeurs à l’égard de l’humanité changent souvent. Les personnes touchées (victimes) n’ont plus le même regard sur le monde, ne l’entrevoient plus aussi sécuritaire, juste, harmonisé et libre de tout danger. Les survivants et les survivantes sont confrontés à la réalité de l’événement tragique et ses causes sous-jacentes. Ceci se résulte souvent par le développement des sentiments de méfiance et de crainte envers les gens et peut causer le repli et l’isolement.

À l’opposé d’un acte de terrorisme, il en est quelque peu différent lorsque surviennent des catastrophes naturelles étant donné que les communautés, les résidents et les résidentes touchés reçoivent habituellement un avertissement préalable de l’arrivée de l’événement dérangeant ou d’un danger éminent; par exemple, le passage d’un ouragan, la tombée de pluies diluviennes, les ravages causés par des inondations ou des feux de forêt, l’arrivée d’une tornade, et autres. Cet avertissement permet à la population de psychologiquement se préparer à gérer les conséquences du désastre, dont la possibilité de pertes de vie, humaine ou animale, de pertes de biens et propriétés, et plusieurs autres dégâts. Lorsqu’il s’agit de catastrophes imprévues, imprévisibles ou d’accidents tels des tremblements de terre, des explosions, des accidents impliquant des matières dangereuses, des accidents de transport, une famine ou épidémie causant de la souffrance humaine, les victimes, les survivants et les survivantes risquent de mieux en accepter les résultats. Bien que l’incident en soit créé une onde de choc, il n’implique généralement pas de scènes d’horreur, de terreur ou de violence infligée à d’innocentes victimes, ce qui définit normalement un acte de terrorisme. La plus importante différence réside dans le fait qu’aucun individu ou qu’aucun groupe ne peut être tenu coupable lorsqu’il s’agit de catastrophes naturelles, telles que les exemples précédemment énumérés.

Stigmatisation des victimes

Certaines victimes sont susceptibles de développer un sentiment d’humiliation, de se sentir responsables du décès des autres, d’avoir le sentiment de culpabilité du survivant ou de la survivante, de s’autoaccuser et de se sentir indignes de recevoir de l’aide – ceci étant, de s’infliger de la stigmatisation. La communauté dans son ensemble, les personnes associées, les amis et les amies, même les membres de la famille peuvent se faire distants et ainsi éviter d’être confrontés au fait que la victimisation peut arriver à n’importe qui. Les proches, tout aussi bien intentionnés qu’ils puissent être, peuvent presser les victimes et les personnes vivant des deuils « à avancer, à continuer et aller de l’avant », ce qui en retour, amène les victimes à se sentir rejetées, abandonnées et critiquées du fait de toujours souffrir.

Les victimes vivent souvent des situations d’isolement à la suite d’un acte de terrorisme. Lors de son discours public racontant le décès de son mari dans les attentats du 11 septembre, une veuve canadienne a expliqué sa situation unique, soit celle d’une victime non résidente américaine où la tragédie est survenue. Ce simple fait l’a isolée du plus important regroupement de victimes et l’a privée des services d’aide offerts et payés par le gouvernement américain.

Blessures secondaires

Les besoins des victimes peuvent aller à l’encontre des démarches nécessaires à entreprendre pour cheminer à travers le système de justice pénale. Les démarches à suivre pour obtenir une indemnisation, quoique limitée, pour les victimes de crime sont souvent déroutantes, frustrantes, très administratives, et provoquent des sentiments d’impuissance et de colère encore plus forts. Les victimes considèrent très souvent que la sanction prononcée à l’endroit de l’individu ayant commis le crime est inappropriée comparativement au crime même et à leurs pertes, ce qui en conséquence leur cause davantage de préjudices.

Le procès de la tragédie du vol d’Air India a eu lieu 20 ans après l’attaque à la bombe. Ceci a donc donné lieu à de nombreux défis, notamment en lien avec la complexité de permettre à un grand nombre de victimes de pouvoir assister, de participer en plus d’assurer qu’elles soient bien informées (défis au niveau de la logistique et difficultés au niveau de la langue). En plus de revictimiser les membres de chacune des familles éprouvées, le jugement au procès du vol d’Air India s’est avéré une grande déception étant donné que les deux hommes accusés d’avoir commis les attaques à la bombe ont été acquittés.

Il est impossible lors de nombreux incidents terroristes de procéder à l’arrestation des présumés auteurs des crimes et de les poursuivre en justice, ces derniers s’étant également donné la mort dans les attentats. Cette incapacité de poursuivre les contrevenants et les contrevenantes peut être très déconcertante pour les victimes, les survivants et les survivantes, d’autant plus qu’il soit peu probable que les mêmes droits reconnus aux victimes d’autres crimes leur soient accordés. Citons en exemple, la présence aux procès, les déclarations de la victime, la présence lors des audiences de libérations conditionnelles.

Médias

Les risques de violations notamment à l’égard de la protection des renseignements personnels et des probabilités de retraumatisation augmentent considérablement lorsque surviennent des incidents de victimisation de masse en raison de la représentation détaillée et les rediffusions incessantes des médias. Les événements terroristes passés ont prouvé que les médias sont habituellement beaucoup plus intrusifs et envahissants lorsque l’impact sur les humains est important; rapportant l’horreur et les séquelles psychologiques des suites de l’événement en continu. Dans un monde médiatique aussi compétitif, où la transmission instantanée de l’actualité et des plus récentes nouvelles au grand public est un enjeu de la plus haute importance, les médias solliciteront des entrevues auprès de témoins vulnérables ou qui sont encore sous le choc; ils spéculeront et pourront même aller jusqu’à rapporter de fausses informations. Le Dart Center du Columbia School of Journalism s’efforce d’ailleurs d’éduquer les journalistes afin qu’ils rapportent et livrent les nouvelles au sujet des catastrophes de manière responsable.

La couverture médiatique peut prendre une telle intensité qu’une communauté tout entière peut être défavorablement affectée. En décembre 2013, lors du premier anniversaire commémoratif de la tuerie survenue au Sandy Hook Elementary School à Newtown au Connecticut, la municipalité a demandé aux médias, tant nationaux qu’internationaux, de ne pas venir envahir la ville. La population désirait ni revoir les camionnettes surmontées d’antennes de télévision ni les journalistes leur braquant directement les microphones à la figure. Il a été demandé aux divers médias de se tenir à l’écart des enfants étant donné que ces derniers souffraient encore et toujours de troubles d’anxiété, et que la seule vue des équipements mobiles des réseaux de télévision ressasserait les souvenirs de la fusillade. Tout autant qu’il y avait le désir de garder ce deuil privé, la municipalité a également considéré le bien-être économique de la ville étant donné que l’important déploiement de véhicules médiatiques stationnés dans les rues à la suite de l’incident avait grandement gêné les déplacements pour se rendre dans les magasins durant l’importante saison de la fête de Noël. Il est dorénavant chose courante pour les médias de repasser les enregistrements vidéos captés en direct sur les lieux des actes terroristes, de façon continue, dans les heures immédiates après les incidents et même, dans les jours et les semaines suivants, tel qu’il y en a d’ailleurs été le cas à la suite des attaques terroristes du 11 septembre, des attentats à la bombe du 7 juillet, des attentats à la bombe du Marathon de Boston, et autres. Ceci provoque en retour une revictimisation chez les personnes éprouvées.

Considérations culturelles

Dans certains cas, l’acte de terrorisme ou l’incident de victimisation de masse peut avoir été perpétré contre une entité religieuse entière ou encore, une minorité ethnique. Les responsables chargés des interventions devraient se soucier et porter attention de ne pas étiqueter ni bannir aucun groupe. Dès la phase immédiate, les interventions devraient tenir compte des besoins culturels et spirituels des victimes afin de leur permettre de se recueillir dans la prière, si tel en est le désir, ainsi que voir aux exigences alimentaires particulières. À la suite de la tragédie du vol d’Air India en 1985, un prêtre catholique a ouvert les portes de son église pour accueillir les familles des victimes et leur permettre de prier selon leur culture indienne. Il les a également invitées à prendre part à une cérémonie religieuse, et ce, bien que les familles n’aient pas été catholiques. Il a fait fi des règlements pour offrir réconfort et paix aux membres des familles. Des efforts extraordinaires ont été déployés pour que des familles originaires des Indes orientales vivant dans d’autres localités en Irlande préparent des repas végétariens et ainsi, permettre aux familles touchées par la tragédie de pouvoir manger.